Par Alexandra David-Ardite, consultante et conseil en formation
Chaque année, l’entretien annuel suscite autant d’attente que d’appréhension. Mal préparé ou mal conduit, il peut devenir une source de stress et de démotivation : feedback flou, écoute superficielle, critiques mal formulées… Ce qui devrait être un moment de dialogue constructif se transforme alors en simple formalité, voire en frustration.
Les grands cabinets de conseil confirment ce constat. Selon l’enquête « Tendances mondiales du capital humain 2025 » de Deloitte, 61% des managers et 72 % des employés n’ont pas pu affirmer faire confiance au processus de gestion de la performance de leur organisation.
40% des fonctions RH souhaitent répondre à cette préoccupation en mettant en place des revues de performances plus régulières. (Source : PWC 2024)
Créer un vrai espace de dialogue
L’entretien annuel doit redevenir un moment de véritable échange. Dans un monde professionnel en mutation rapide – technologies qui bouleversent les métiers, attentes croissantes des collaborateurs en matière de reconnaissance, transformations organisationnelles profondes – il devient indispensable de créer un espace où les objectifs de l’entreprise et les aspirations individuelles peuvent s’aligner.
Pour l’entreprise, il s’agit d’un moment clé pour clarifier les priorités et donner de la visibilité sur les projets stratégiques. Pour le collaborateur, c’est l’occasion d’être écouté, de partager ses ambitions, ses besoins de formation et ses éventuelles difficultés. Cet alignement évite les malentendus et nourrit un sentiment d’appartenance fort, essentiel à l’engagement durable.
Passer d’un jugement à un levier de progression
Trop souvent perçu comme une sanction, l’entretien annuel doit évoluer pour devenir un levier de progression. Il permet de faire le point sur les résultats atteints, d’analyser les compétences mobilisées, qu’elles soient techniques ou comportementales, et d’identifier des axes de développement.
C’est aussi une opportunité de fixer des objectifs clairs et réalistes pour l’année à venir. Lorsqu’il est préparé avec sérieux et mené dans un climat de confiance, cet exercice apporte de la transparence et favorise un dialogue constructif. Pour les managers et les équipes RH, c’est une source précieuse d’informations pour orienter les plans de formation, détecter les talents et anticiper les besoins de mobilité interne.
Un outil stratégique pour l’entreprise et les talents
Bien mené, l’entretien annuel crée de la valeur à plusieurs niveaux. Pour l’entreprise, il devient un outil de pilotage stratégique : il favorise un alignement solide des équipes sur les priorités clés, mais aussi une détection précise des besoins de formation. Cette identification permet de bâtir des plans de développement adaptés, qui renforcent les compétences critiques et préparent les collaborateurs aux défis futurs.
Pour les salariés, l’entretien annuel représente un moment privilégié pour exprimer leurs attentes en matière de montée en compétences, qu’il s’agisse d’acquérir de nouvelles compétences techniques, de développer des soft skills ou de se préparer à une évolution professionnelle. Ce temps d’échange est aussi porteur de reconnaissance et de clarté, ce qui nourrit la motivation et renforce le sentiment d’appartenance.
En combinant performance collective, épanouissement individuel et stratégie de formation, l’entretien annuel devient un levier puissant pour fidéliser les talents et maintenir la compétitivité de l’entreprise.
Les clés d’un entretien réussi
En tant que formatrice spécialisée dans le développement des compétences managériales, je constate souvent que de petites actions peuvent transformer un entretien annuel en un moment vraiment constructif. Voici les bonnes pratiques que je recommande :
- Préparez-vous avec rigueur : l’entretien ne s’improvise pas. Arrivez avec des données factuelles, des exemples concrets et, si possible, des indicateurs chiffrés. Cette préparation permet un dialogue plus fluide et plus objectif.
- Pratiquez une écoute active et bienveillante : posez des questions ouvertes, reformulez pour vérifier votre compréhension et accueillez le feedback sans jugement. Ce sont des clés puissantes pour instaurer un climat de confiance.
- Évaluez sur des faits, même pour les comportements : il ne suffit pas de dire « améliorer la collaboration ». Définissez des critères concrets et mesurables. Par exemple :
- Participer à au moins deux projets transverses au cours du trimestre.
- Partager un compte-rendu de suivi après chaque réunion de coordination.
- Obtenir un feedback 360° positif d’au moins trois collègues sur la qualité de la communication et de l’entraide.
- Formalisez un plan d’action clair : co-construisez des objectifs précis et atteignables, assortis de moyens adaptés comme une formation ou un accompagnement spécifique.
- Assurez un suivi régulier : un bon entretien annuel ne se limite pas à un rendez-vous unique. Planifiez des points intermédiaires pour ajuster les objectifs et maintenir un dialogue continu.
Ces pratiques, simples mais efficaces, permettent de passer d’un exercice vécu comme une obligation à un levier concret de performance et d’engagement, autant pour les managers que pour les collaborateurs.
Réinventer l’entretien pour répondre aux nouvelles attentes
Pour répondre aux attentes des collaborateurs et aux besoins de performance des organisations, l’entretien annuel doit évoluer :
- Multiplier les points intermédiaires : des rendez-vous trimestriels ou mensuels permettent un suivi plus réactif et fluide.
- Intégrer des outils digitaux : centraliser objectifs, retours et plans d’action rend le processus plus transparent et accessible.
- Former les managers : développer leurs compétences en communication empathique et en accompagnement des talents pour transformer ces échanges en véritables moments de co-construction.
De la contrainte à l’opportunité
Mal orchestré, l’entretien annuel alimente frustration, désengagement et parfois départs. Bien repensé, il devient un puissant outil stratégique au service de la performance collective et de l’épanouissement individuel.
Les données de PwC et Deloitte sont sans appel : le modèle actuel montre ses limites, et les collaborateurs attendent des échanges plus fréquents, plus authentiques et plus constructifs. Repenser l’entretien annuel, c’est transformer une obligation administrative en un levier stratégique d’engagement, de motivation, de fidélisation et de montée en compétences.