Article rédigé par Jean-Claude Merlane
Encore un mot qui revient très fréquemment lors de nombreuses expressions dans des domaines aussi différents que l’actualité géopolitique, la psychologie et le développement personnel, l’éducation ou le vivre ensemble.
C’est vrai que le concept même d’empathie n’est finalement pas si évident qu’on semble le penser.
Quelques définitions prises au hasard : « Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de prévoir ce qu’il ressent » ou « capacité à s’identifier à autrui, de ressentir ce qu’il ressent« . Mais en psychologie le concept est plus complexe.
« L’empathie est la capacité à se plonger dans le monde de l’autre, de l’identifier dans son individualité, alors que dans la sympathie, on est en résonance, on s’identifie avec l’autre, au point d’être beaucoup plus touché par sa douleur. » Charles Pépin interview de Pascale Brillon Psychologue québécoise.(La fatigue de compassion qui touche les aidants) thème de l’émission de France Inter.
L’empathie est aussi définie comme « le fait de percevoir le cadre de référence interne d’une autre personne avec exactitude, avec les composantes émotionnelles et les significations qui s’y attachent, comme si on était l’autre personne, mais sans jamais perdre de vue la condition comme si« . « Le chercheur empathique est apte à se mettre à la place de l’autre, à percevoir avec justesse son cadre de référence sans projection ni identification parasites. » Méthodologie de la recherche en sciences de gestion Editions Person.
Même si l’origine du mot est grecque, proche de sympathie et de l’art, elle a évolué, revue par la philosophie et par la psychologie.
C’est Carl Rogers (1902 1987), psychologue humaniste américain, qui met en avant la notion d’empathie en psychologie clinique, en psychothérapie et en relation d’aide, en médiation et en éducation.
Selon Carl Rogers c’est avec « l’authenticité et la considération inconditionnelle » que l’empathie est composée d’attitudes fondamentales pour le thérapeute comme l’attitude de compréhension et celle d’écoute. Le thérapeuthe comprend ce que ressent le patient et fait en sorte que celui-ci le sache sous forme de réciprocité dans la relation d’aide.
Le point clé réside dans le fait qu’il n’y a pas d’identification. En effet même si le travail du thérapeute permet de percevoir de façon la plus fine possible l’autre sous toutes ses facettes, on doit rester indépendant émotionnellement. La posture du thérapeute doit garder une juste distance avec le patient. On peut comprendre ses affects sans pour autant se confondre avec lui et garder sa conscience d’être séparé de lui. Écouter et comprendre ne veut pas dire « être d’accord ou accepter »…
Voilà donc une réflexion peu anodine. Tout le monde n’est pas thérapeute mais le concept d’empathie peut être utilisé dans cette acception qui distingue bien le ressenti affectif, la tendance à l’identification et un échange riche et profond d’aide individualisée, constructive et authentique.
Les méthodes d’entretien, basées sur l’attitude de compréhension et l’écoute active, sur les techniques de la reformulation, de la gestion des silences, ainsi que la capacité de synthèses partielles ou globales, ont été largement diffusées auprès des populations de dirigeants et managers et de consultants depuis les années 70/80. Cependant, il est vrai que l’attitude d’empathie n’est pas facile a travailler car elle suppose de « faire le ménage » dans sa propre personnalité pour maîtriser nos tendances à la projection ou au transfert de nos propres problèmes sur ceux de l’interlocuteur. « Avant de communiquer avec l’autre, il faut nettoyer ses lunettes. »
Rien de vraiment nouveau si ce n’est le contexte qui relance les besoins d’empathie, d’aide ou plus généralement de sympathie et de convivialité dans les relations interindividuelles et intergroupes…